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Homéostasie ou changements profonds ?

  • Photo du rédacteur: Philippe Satre
    Philippe Satre
  • 10 avr. 2020
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 janv.

Dans ses « Mémoires », parues en 1976, Jean Monnet (1), un des pères de l’Europe, écrivait : “Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise.”.

Cet adage prend tout son sens aujourd’hui, alors que l’épidémie de COVID 19 a plongé toutes les économies nationales dans une crise sans précédent et que des changements drastiques sont à venir à tous les niveaux dans nos vies.

Le changement constitue souvent la pierre angulaire de toute démarche d’accompagnement en coaching, qu’elle concerne un individu, une équipe ou une organisation toute entière.

Souvent associée à une étape importante d’une évolution individuelle ou systèmique, la prise de conscience de la nécessité d’un changement ou d’une transformation ne s’effectue pas toujours aisément et peut faire l’objet d’un processus long et difficile.

Les travaux de Gregory Bateson (2) , anthropologue et psychologue américain, considéré comme l’un des créateurs de l’ « école de Palo Alto » (3), ont apporté un éclairage prépondérant sur les processus de changement au sein d’un système, par l’identification de 2 niveaux de changement.

Bateson a ainsi démontré qu’un changement de niveau 1 affecte un élément ou une partie d’un système, tout en conservant le système tel qu’il est. Un changement de niveau 2 ,en revanche, modifie en profondeur le système lui-même.


Homéostasie et changement de niveau 1


Le mot « homéostasie » (4) est issu du grec stasis (« état, position ») et homoios (« égal, semblable à »). Il définit un « état stable ». Il constitue aussi un principe permettant à tout système de se maintenir en l’état tout en adaptant certaines de ses composantes à une situation nouvelle, et en préservant son « identité ». Nous parlons dans cette situation d’un changement de niveau 1.

Ce type de changement est plutôt « cosmétique » et permet de s’adapter (temporairement) à un contexte, tout en démontrant une résistance (consciente ou inconsciente) à une évolution plus fondamentale, mais éventuellement nécessaire.

Exemple concret d’homéostasie : un individu se rendant au travail en auto et désirant avoir un impact positif sur l’environnement, va changer sa façon de conduire pour consommer moins d’essence.

Ce changement de niveau 1 aura un impact très minime sur l’environnement en comparaison d’un changement plus profond, qui aurait pu amener cet individu à ne plus prendre son auto et à se rendre au travail avec les transports en commun. Nous aurions alors identifié un changement de niveau 2.


Le changement de niveau 2


Le changement de niveau 2 (ou changement de « paradigme ») va nécessiter une remise en cause et une redéfinition des régles, des modalités de fonctionnement et parfois même de la nature du système, de l’organisation ou de l’individu (« modèle du monde », croyances, valeurs, structures…).

Dans le cadre de cette démarche, il convient alors de clarifier à quel niveau d’apprentissage est associé le changement.

Au cours de ses travaux de recherche, Gregory Bateson a, en effet, mis en lumière quatre niveaux d’apprentissage (4) impliqués dans le processus de changement.


Ces 4 niveaux se déclinent comme suit :

Le niveau zéro : À ce niveau, l’apprentissage est inexistant. Il s’agit plutôt d’une réaction instinctive de type « réflexe » à une situation.

Exemple : retirer sa main d’une source de chaleur intense.


Le niveau 1 : Apprentissage induit par un conditionnement ne faisant pas appel à la conscience (publicité, punition, récompense…).

L’expérience du « chien de Pavlov » (6) est un exemple concret de ce type d’apprentissage.


Le niveau 2 : Il s’agit de l’apprentissage par la généralisation, autrement dit, l’utilisation d’une connaissance ou d’une compétence précédemment acquise dans une situation différente.

Exemple : l’apprentissage de la conduite d’une auto nous permet de conduire ensuite n’importe quelle autre auto.


Le niveau 3 : Lorsque l’apprentissage de niveau 2 atteint ses limites et qu’il ne fonctionne pas ou mal, il convient alors de créer de nouveaux comportements, de penser différemment, d’adopter de nouvelles attitudes et/ou aptitudes, voire de se construire une nouvelle réalité.

La créativité de l’individu ou de l’organisation prend alors sa pleine dimension pour faire évoluer et/ou transformer le système.


Nul doute que la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui plongée l’humanité toute entière avec la prolifération du COVID 19, va générer des processus de changements majeurs dans toutes les sphères de la société.

Tous les « systèmes » (économiques, financiers, gouvernementaux, industriels, environnementaux, santé publique, familiaux, etc), ont récemment, ou vont expérimenter prochainement une phase de changement inéluctable.


Si les changements de niveau 1 seront les premiers à voir le jour à très brève échéance, ils seront supplantés au cours des prochaines semaines et des prochains mois par des changements structurels de niveau 2, répondant au changement de paradigme requis par une situation hors-norme, mais qui pourrait bien se reproduire dans le temps.

De notre capacité à tirer parti des apprentissages de niveau 3 décrits par Bateson, que nous allons faire, dépendront notre sécurité, et notre qualité de vie future, dans les domaines professionnel, personnel, familial, mais d’abord et avant tout au niveau humain.






(1) Grand visionnaire du xxe siècle, Jean Monnet défendit le principe de supranationalité dans une Europe traumatisée par deux guerres successives. Son action en faveur de la paix et de la construction européenne en fait incontestablement un des principaux « pères de l'Europe ». « Mémoires », Jean Monnet, Éditions Fayard.

(3) « L’école de Palo Alto », Par Dominique Picard , Edmond Marc Éditeur PUF Collection : Que sais-je ? - 2016



 
 
 

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