Idéal professionnel
- Philippe Satre
- 21 oct. 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 janv.
Dans un monde aujourd'hui marqué par l’incertitude et les mutations rapides, créer sa propre entreprise est perçu comme une forme d'émancipation, de contrôle sur son avenir. Les récits de jeunes entrepreneurs devenus milliardaires, les start-ups tech qui transforment les industries, ou encore les influenceurs prônant l'auto-entreprise sur les réseaux sociaux, contribuent à ériger l'entrepreneuriat en idéal social. Cependant, cette exaltation du modèle entrepreneurial tend à occulter une vérité fondamentale : l'entrepreneuriat n'est qu'une option professionnelle parmi d'autres, et il n'est pas la solution universelle au bonheur et à la réussite. Pire, en l’élevant comme seule voie valorisée, on risque de sous-estimer l'importance cruciale des autres professions.
L'engouement actuel pour l'entrepreneuriat, bien que légitime et porteur de nombreux avantages, s’accompagne d’une pression croissante pour se lancer dans cette voie. Cette pression est particulièrement forte chez les jeunes, qui se retrouvent souvent confrontés à l’idée qu'il est plus valorisant d'être un "créateur" que de suivre un parcours plus traditionnel.
Or, tout le monde n'est pas entrepreneur dans l'âme. L'entrepreneuriat requiert des compétences spécifiques : une capacité à prendre des risques, à gérer l'incertitude, à innover constamment. Ce ne sont pas des qualités universelles, ni même souhaitables pour tous. De nombreuses personnes trouvent leur accomplissement dans des carrières plus structurées, dans des environnements où la collaboration, la sécurité de l'emploi, et la hiérarchie sont mieux définies. Ces individus ne sont pas moins importants. En réalité, ils forment l'épine dorsale de toute économie. Sans eux, les entrepreneurs ne pourraient pas prospérer.
Les entreprises créées par les entrepreneurs dépendent d'une multitude de professions. Une start-up, aussi brillante soit-elle, ne peut croître et s'épanouir sans les talents et les compétences d'individus qui choisissent d'autres chemins. En ce sens, l'entrepreneuriat est un effort collectif. Célébrer l’entrepreneur sans reconnaître les travailleurs qui soutiennent ses projets revient à ignorer l’interdépendance qui existe dans toute entreprise humaine. La réussite de l’un ne peut être assurée sans l’implication des autres.
Il est donc crucial de rétablir un équilibre dans la valorisation des choix de carrière.
L'entrepreneuriat, bien qu'une voie noble et enrichissante pour certains, n'est pas un passage obligé vers l'accomplissement de soi. En célébrant l'entrepreneur comme figure quasi héroïque, on risque de dévaloriser d'autres formes de succès, de contribution sociale, et de réalisation personnelle. Une société fonctionnelle repose sur une diversité de parcours, de talents, et de compétences. En érigeant l'entrepreneuriat en idéal suprême, on oublie que la réussite collective est une œuvre partagée.

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